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Historique du SLAM : Deuxième partie (1934-1957)
HISTORIQUE DU SLAM : PREMIÈRE PARTIE (1914-1934)
Georges Puzin, président du SLAM de 1934 à 1937
L’Assemblée Générale du 29 mai 1934 élit le premier président du SLAM à ne pas être un libraire parisien : Georges Puzin, installé à Versailles, rue de la Paroisse depuis 1908. Il est épaulé par MM. Quereuil (Vice-président), Dauthon (Secrétaire), Jacquenet (Trésorier) et Chadenat, Cornuau, Deruelle, Raoust, Leleu, H. Saffroy (Commissaires). Il apparaît d’emblée comme un homme de dialogue en faisant la déclaration suivante: ‘Il faut que nous nous connaissions mieux, que nous puissions échanger nos idées, nos projets, les discuter, voire même les combattre pour arriver à un échange de vues pratiques capable d'assurer la bonne continuité et la raison d'être du SLAM.’
Homme de dialogue, mais surtout homme de contact, Georges Puzin était né le 21 Août 1872 à Paris. Il fit ses études au Petit Séminaire Saint Charles à Paris. Après avoir passé sa licence en droit, il fit un stage de notariat mais refusa de reprendre la charge. En 1907, il s'orienta vers la librairie et devint expert près les Tribunaux, agréé par les douanes. Il s'installe alors Avenue de Wagram, puis à Versailles où en plus de la rue de la Paroisse il ouvre un second magasin, rue Maurepas en 1930. Certains libraires se souviennent encore des réunions dominicales qui avaient lieu chez lui notamment les jours de ventes publiques ou plusieurs libraires du Quartier Latin affluaient à Versailles à l'heure de l'apéritif (!) . Il réunissait ainsi autour de lui ses confrères et amis Bosse, Giraud-Badin, Andrieux, Kra, Margraff, Bonnet etc .. Les autres jours , il accueillait ses nombreux clients et amis parmi lesquels il comptait Tristan Bernard, Willy, Léon Blum, Colette, les frères Tharaud, Anatole France, Paul Bourget, Louis Barthou (dont il rédigera la notice nécrologique), Sacha Guitry etc … etc …
D'un esprit clair et efficace, dès son élection il demande à ce que soient prises les six mesures suivantes: 1) Taxe unique sur le chiffre d’affaires de 1,10 %. 2) Intangibilité des statuts syndicaux. 3) Abrogation de la taxe de séjour. 4) Refus de nouvelles mesures fiscales vexatoires. 5) Propagande à l'étranger. 6) Limitation du nombre des commerçants étrangers en France.
Devant la multiplication des vols de livres, il met en garde ses confrères dans leurs achats à l'amiable en leur demandant de respecter les règlements de police en vigueur. A ce sujet, il rappelle qu'il est interdit d'acheter à des mineurs et que l'on doit payer à domicile bute d'avoir des preuves suffisantes de l'identité des vendeurs. En outre, il réclame la prudence dans les envois et la communication d'ouvrages en proposant la tenue d'un registre de livres confiés.
La France est alors au plus fort de la crise économique, dans la librairie, comme dans les autres secteurs d’activité, les affaires sont mauvaises; il y a peu d'achats et encore moins de ventes. G. Puzin, va s'en prendre à la concurrence déloyale de l'Hôtel des Ventes.
Il cherche à lutter particulièrement contre l'amateur-marchand, en regrettant qu'en ventes publiques, l'amateur paie les mêmes droits que le libraire. Il en conclut que si l'amateur est habile, il peut faire du commerce sans frais. Et, si cette situation s’instaure, le libraire n'aura plus qu'à fermer boutique et à travailler avec ‘un téléphone.un stylo, un bloc, les adresses des gros clients (que l'on finit toujours par connaître), de l'aplomb et du bluff (sic)... ne voyons-nous pas les livres faire plus chers en vente publique que chez le libraire.’ O Tempora, O Mores!!! nous sommes, rappelons-le en 1936.
Toujours dans le même registre, G. Puzin, avait adressé une vive lettre de protestation à M. Handin, Président du Conseil, au sujet de l'acquisition faite par l'état à Londres, de 300 lettres autographes de Napoléon 1er à Marie Louise sans l'intervention d'un libraire. Il demande donc à ce que les achats de livres dans les ventes publiques pour le compte de l'état soient désormais confiés à des libraires français. Suggestion pertinente qui, malheureusement ne connaîtra pas d’aboutissement !
Terminons, pour cette période, par une anecdote à propos des livres classiques d'occasion, suspectés de véhiculer des germes microbiens. Le bureau considère en novembre 1935 que le discrédit a été jeté sur notre commerce à la suite d'une brochure publiée par deux médecins: ‘Non, je ne veux pas mourir en lisant des livres d'occasion.’ Georges Puzin y répondra énergiquement en développant une argumentation amusante et en concluant en ces termes: ‘Que nous réserve l'avenir avec tous les moyens hygiéniques que l'on nous propose ...’
Tout cela ne manque pas de révéler l'état d'égarement et d'inquiétude extrême dans lequel se trouvait alors la France !...
Henri Dauthon, président du SLAM de 1937 à 1945
Rahir, fut le président de la Première Guerre Mondiale, Henri Dauthon fut celui de la seconde; ce qui explique la durée exceptionnelle de leur mandat: 7 ans pour chacun. Pendant cette période difficile, H. Dauthon eut l'occasion d'exercer ses qualités de conciliateur, avec patience, bonne humeur et simplicité.
Il avait débuté en 1919 avec son beau père M. Jorel (un des fondateurs du SLAM.), rue des Beaux-Arts, et lui succéda en 1928 au 3, de la rue Bonaparte. Il y développa la spécialité de la maison: le théâtre; leurs catalogues servent encore de référence. Elu président en 1937, il fut mobilisé dès 1939. A l'époque, la composition du bureau était la suivante: H. Dauthon, président; A. Deruelle, vice-président qui pendant cette première année de guerre fut à la fois président, secrétaire et trésorier.
En 1940, après l'Occupation Allemande, l'état de guerre provoqua la disette dans tous les domaines y compris dans la librairie ancienne. L'ingérence de l'état jusque dans les syndicats conduisit à la publication de la 'Liste OTTO' ou liste des livres interdits comme contraires à l'idéologie nazie. Le SLAM refusa de la cautionner. Acte de résistance naturel comme celui concernant la question des affaires juives. Il s'agissait pour les occupants de chasser les juifs de leurs commerces et de les remplacer par des gérants de leur choix. Le SLAM pour prévenir certains abus, tenta d’obtenir que ces gérants soient désignés par les associations professionnelles. En ce qui nous concernait, MM.Bosse, Deruelle, Jacquenet, Jammes et Privat tentèrent de se charger de cette tâche délicate.
D'autre part, à la suite de la loi du 16 août 1940 instituant l'organisation professionnelle, naquit l'idée d'un comité des antiquités et objets de collection. Pendant ce temps le comité du livre s’installait au Cercle de la Librairie regroupant édition, librairie, imprimerie, etc...Le SLAM fut représenté par une section de travail composée de MM. Michaud (président), Bosse (Vice-président), et Blaizot, Dauthon, Deruelle, Giraud-Badin, Petitot, Raoust. Cette commission s'est essentiellement préoccupée de prévenir les effets contraires aux intérêts corporatifs de la librairie ancienne face à la librairie moderne.
Le SLAM a réclamé également la réglementation (mot alors à la mode) des ventes publiques (lutte contre les ventes ‘montées’) en demandant à ce que soit rendu public le nom des vendeurs. De même, réglementation du titre d'expert pour qu'un statut soit établi et ratifié officiellement. Les conditions requises étant la compétence professionnelle, la notoriété, l'honnêteté et l'exercice reconnu de la profession. Des règles professionnelles ont donc été établies pour défendre le libraire consciencieux contre des concurrents déloyaux qui présenteraient des livres tarés défectueux ou incomplets; des armes fausses, des autographes douteux, etc…
Au début de la guerre, en septembre 1939, le SI.AM fixa des règles contraignantes pour toutes créations, extensions ou transferts de librairies. A seule fin, bien entendu, de défendre les adhérents mobilisés et d'évier qu'ils ne soient supplantés dans leurs affaires en leur absence. Malgré les conditions draconiennes le SLAM reçut 330 demandes et n'en accorda que 25.
C'est aussi sous la présidence d’Henri Dauthon que se réalisa l'acquisition du Bouquiniste Français. Il aura fallu attendre la fin de l'année 1941 pour que la direction composée de M.Bosse et de ses co-associés (MM. Schemit et Marcel Rivière)propose la vente du journal. Après diverses négociations sur le stock de papier , le matériel et le prix, le SLAM se décida à cette acquisition le 11 mars 1941. Cependant, elle fut ajournée jusqu'au 2 février 1945 en raison, d'abord de la suppression d'une grande partie de la suppression par les autorités allemandes et puis, à cause du décès de Charles Bosse survenu entre-temps.
C'est donc la succession de C. Bosse qui a vendu Le Bouquiniste Français au Syndicat pour la somme de 43000 F avec tout le matériel et de quoi tirer le journal pendant deux ans à raison de deux numéros par mois sur huit pages. Enfin, sur le plan social, le SLAM àl a requête du 'Secours National' devenu 'Secours Social' a créé une caisse de secours alimentée par les adhérents qui ont cotisé volontiers en grande majorité. Cet élan de solidarité est très révélateur du rôle important que le SLAM a joué auprès de ses membres en difficulté notamment au lendemain de la guerre.
Le président Henri Dauthon apparaît donc pendant ses deux mandats et ce sur les plans humains, sociaux et corporatifs, comme celui qui aura su dans une période particulièrement troublée, se dévouer à la cause du Livre avec une abnégation et une efficacité remarquables.
André Poursin, président du SLAM de 1945 à 1948
Né en 1897 en Auvergne, c'est un peu avant la trentaine qu’André Poursin se prit à rêver de livres alors qu'il était industriel. Débordant d'activités â la fois sur le plan professionnel et sur le plan de la bibliophilie, il ouvre une première librairie à Pont Audemer. Sans cesse en quête de livres rares il sillonne la région et fréquente assidûment salles de ventes, bibliothèques et bouquinistes. Mais, très vite il vient à Paris et s'installe rue Jacob et de là rue Montmartre, en 1936 , où il réussit â faire de sa librairie une des plus fréquentées de Paris. Mobilisé en septembre 1939, il se signala sur le front comme capitaine et fut décoré de la rosette d'officier (il avait déjà gagné galons et Légion d'Honneur en 1916).
A la fin de la guerre, en 1945, il accepta la présidence du Syndicat de la librairie. Il a été élu à l’Assemblée Générale du 21 Juin 1945, avec C. Privat (Vice-président), F. de Nobele (Secrétaire), Picard(Trésorier) et MM. Cornuau, Froment, Gautier (en qui il a su déceler très vite un arbitre incontesté en cas de dissensions). Lecomte, Marchand (commissaires). Il commence par féliciter H. Dauthon de l'achat du Bouquiniste Français qui met entre nos mains l'un des principaux agents de notre action et le meilleur véhicule de nos informations. Puis, il expose son programme ; il souhaite particulièrement que son action vienne en aide aux jeunes de notre métier. Il insiste sur la nécessité. d'un secrétariat administratif qui serait prêt à chaque instant à se mettre à la disposition de chaque membre. Malheureusement, la cotisation étant trop faible, il faudrait faire accepter une cotisation volontaire pour doubler le budget.
Au cours de cette première année de l'après guerre le bureau en vient à se prononcer sur l'affaire délicate des Biens Israélites qui avaient été spoliés à la requête de l'administrateur provisoire: ‘Les acquéreurs devraient rembourser. Il s'agit là d'une question de responsabilité qu'il est désirable d’assumer dans l'intérêt de tous.’
Le bureau a cherché, en outre, à obtenir l'amélioration et si possible la suppression de la taxe de transaction (18%) qui frappait les livres antérieurs à 1801 et les livres présentant un caractère artistique et imprimés sur papier spécial. Du côté des exportations, nous apprenons qu'il n'y a aucune difficulté pour les livres imprimés depuis 1801; pour les autres, il faut demander une autorisation délivrée par le Ministère de l'Education Nationale à la Direction des Lettres et des Arts. Quant aux demandes d'importations, pour les livres anciens, elles n'ont guère de chance d’aboutir, étant donné la pénurie de devises étrangères. Le bureau est encore à la recherche d'un local syndical de deux pièces en étage ou au rez-de-chaussée, situé rive droite dans le 1er ou 2èmc arrondissement.
En décembre 1945, le Bouquiniste attire l'attention sur une initiative heureuse: La Librairie Sonnier cherche à récupérer les ouvrages incomplets, et à établir et à centraliser un fichier des incomplets disséminés dans les librairies. Au milieu de son mandat le président André Poursin déclare: ‘notre pays connaît une mue accélérée de sa structure économique qui a orienté les efforts de notre Syndicat’. Son travail a porté particulièrement sur les questions fiscales (taxe de luxe, impôt de péréquation, l'établissement de nouveaux forfaits) sur les loyers et les salaires (protection du locataire devant l'effritement de la propriété commerciale: l'établissement des barèmes de salaires) et sur l'organisation de notre profession (institution d'un statut d'expert qui implique la connexion de nombreux organismes).
Le problème des estimations et de leur rémunération a été étudié par M. Poyer qui a mis au point un tableau: ‘...toute demande de prix est en réalité une demande d'estimation... et en conséquence est passible d’honoraires...’ Ce tableau, remis en vigueur il y a peu de temps, reste toujours d'actualité et se trouve affiché dans plusieurs librairies.
Outre la recherche d'un local syndical et la mise sur pieds d'un secrétariat administratif ce bureau est animé par un projet publicitaire. Dans le cas d'une période de stagnation commerciale, il envisagerait la possibilité d'entreprendre des moyens collectifs de publicité. En attendant, il développe le Bouquiniste en ouvrant une chronique 'variétés' à côte des informations fiscales, administratives et syndicales déjà existantes. On y évoquerait les difficultés et les particularités de notre métier, des articles bibliographiques, les échos des ventes publiques et le courrier entre nos correspondants.
Président de l'après-guerre André Poursin assuma sa tâche avec intelligence et volonté à un moment où la France se remettait difficilement sur pieds. Le Syndicat alors, fort de près de 300 membres, s'est attaché. en dehors de ce que nous venons d’évoquer, à rendre à chacun divers menus service essentiels pour l'exercice de notre profession: demandes de pneus ou de bicyclettes, de toiles, de papier d'emballage, de ficelle (cf . Bureau du 16 mars 1946) et l'éclairage des vitrines. Autant de tracasseries qui se prolongeaient parfois jusqu'au bureau des Douanes ou de Change et que le SLAM tentait toujours de résoudre.
André Poursin contribua également à la création du fonds de secours qui ne manqua pas de rendre d'importants services au lendemain de la guerre..Enfin, il participa, avec F. de Nobele et G. Blaizot entre autres à la création de la Ligue Internationale de la Librairie Ancienne à laquelle il ne cessa de s'intéresser.
Fernand de Nobele, président du SLAM de 1948 à 1951
A la fin de son mandat, A. Poursin cherche un successeur et demande à F.de Nobele si cela l'intéressait dans la mesure où il était secrétaire dans le bureau précédent. N'ayant pas d'activité syndicale spéciale et étant d'origine belge, il fait figure d’homme neuf et pose sa candidature. Qui était-il? Né à Bruxelles le 22 août 1910, après des études secondaires aux Lycées, Montaigne puis Louis le Grand, il fit son apprentissage en librairie chez Margraff, ancienne maison Le Hee. Là, il rencontre Raymond Clavreuil qui était commis et qu'il va remplacer (à son départ pour le service militaire) pendant plus de deux ans jusqu'en 1930.Il va alors travailler avec son père rue Saint Sulpice où ils publient des catalogues varia.
A son retour du service militaire, en 1931, il y travaillera jusqu'en 1939 date à laquelle ils déménageront pour le ]5 rue Bonaparte dans le local occupé par Quereuil qui avait le privilège des ventes publiques en France.
La guerre éclate et de 1940 à 1942, F. de Nobele est en captivité dans le Palatinat. Il s'évade en février 1942 et se réfugie clans une région du centre de la France où pendant un an il devient cultivateur. Au printemps 1943 il revient à Paris où il lèvera progressivement son rideau par crainte de dénonciations. Il redémarre avec le Bénezit en trois volumes qu'il vient d'acheter en nombre.
A la Libération le Syndicat reprend pieds, il est secrétaire général sous la présidence Poursin et, est élu lui même président en juin 1948 avec Michel Gründ , Raymond Clavreuil, (Conseiller). L'essentiel de son action, comme il se plaît à le rappeler lui même, aura été d'abord de réveiller tout ce petit monde et ensuite de faire lever les barrières des prétentions administratives en discutant avec les pouvoirs publics. Il s'est en particulier occupé des problèmes douaniers en cherchant à protéger le patrimoine au niveau des exportations. Julien Cain avait d'ailleurs reçu une délégation de libraires en leur accordant sa confiance à condition de présenter les pièces uniques à la bibliothèque nationale. Etant entendu que cela ne concernait ni les livres qui figurent au catalogue de la B.N ni ceux qui seront passés en vente publique. Quant aux importations, elles ne sont accordées qu'au compte gouttes pour éviter la sortie de devises du territoire. Quoiqu' il en soit, il est décidé en mars 1950 que tous les livres ayant plus de 50 ans d'âge seront dorénavant exemptés des formalités douanières.
Le bureau du 17 décembre 1949 décide qu 'il sera fait désormais appel à la solidarité des nouveaux adhérents pour alimenter la caisse de Secours. Aujourd'hui, cela fait toujours partie des usages. On décide de l'augmentation de la cotisation qui semble dérisoire (100 F) étant donné le service gratuit du Bouquiniste et qu'aucun droit d'entrée au SLAM n'est réclamé. A peu prés à la même époque, le SLAM organise une vente aux enchères au bénéfice des anciens prisonniers et déportés avec le concours gracieux de Maître Ader. Malheureusement, fau te de générosité cette vente n' a pas remporté un très gros succès.
L'année 1950 est marquée par l'organisation du 4ème congres international de la LILA au cercle de la Librairie (le 1er s'est tenu à Amsterdam en 1947, le 2nd à Copenhague en 1948 et le 3ème à Londres en 1949). Ce congrès, qui s'est conclu par une exposition organisée par M. Guignard à la Bibliothèque Nationale où quarante livres exceptionnels (des incunables aux livres modernes) étaient présentés, a connu une audience considérable. Il a permis peu de temps après la guerre d'élargir le marché hexagonal. Il J suscité de nouveaux contacts avec les libraires étrangers, et de façon générale avec tous les professionnels intéressés par les nouveaux marchés et par les échanges internationaux. Rappelons que la L.I.L.A. (Ligue internationale du Livre Ancien) venait d'être fondée par M. Hertzberger et que le premier président en avait été le suisse William Kundig. Dès le début quinze pays y ont participé dont les Etats-Unis d'Amérique, puis très vite l’Allemagne et le Brésil. Il s'agissait de:faciliter les relations intellectuelles, culturelles et commerciales entre divers pays. M. Fernand de Nobele en a été le président pendant cinq ans (1968 à 1972) et a contribué à l 'élaboration, puis à la publication des US et COUTUMES destinés à régler les échanges internationaux entre libraires .Le 1er mars 1951, l'emblème de la LILA est adopté avec la devise 'Amor librorum nos unit'.
Peu de temps après M.de Nobele fait circuler parmi les membres le modèle du label choisi par le Bureau pour le syndicat français. Il s'agit de deux livres 'black and white' accolés et ornés à gauche d’une fleur de Lys et à droite d'un bonnet phrygien; le tout surmonte du sigle SLAM en demi cercle.
La même année, le président, pour défendre à la fois l'esprit syndical et celui de la LILA , fait le point sur les congrès de Londres et de Paris en déclarant: ‘Nous n'avons pas à défendre des intérêts opposés mais des intérêts communs’. D'ailleurs, à la fin de son mandat, le SLAM compte 412 membres dont 44 exerçant à l’étranger.
Outre ses qualités de libraire et de président, n'oublions pas que M.F. de Nobele s’est signalé comme expert et comme éditeur. Il a organisé et assuré l'expertise d'un grand nombre de ventes publiques dont nous ne citerons, pour mémoire, que les trois plus célèbres: la vente Goutket, le mari de Colette, comprenant des Editions originales anciennes et des ouvrages de haute bibliophilie; la vente Jean Davray, avec Castaing et Pierre Bérès (6 et7 déc.1961); Manuscrits et livres précieux du XVe au XXe et la vente P... avec M. Guérin et Mme Vidal-Mégret. Livres d'architecture, décoration et d'ornements, livres de fête (2 et 3 fév. 1961).
En tant qu'éditeur, on lui doit la diffusion d'éditions, reprints ou exclusivités: les publications de la S.H.A.F (Société de l'Histoire de l'art français), le répertoire des livres imprimés en France au XVIème et XVIIème siècles et la réédition du Salverte (Les Ebénistes du XVIIIème), du Baudrier (Bibliographie Lyonnaise) et du Delen (La gravure dans les Pays Bas).
Il s'est assure la réputation du libraire spécialiste en Beaux- Arts avec la publication de catalogues copieux commençant par une table des matières et abordant tous les sujets: Beaux Arts, Arts décoratifs, Objets de collection, tableaux, imprimés, etc … etc…
Georges Blaizot, président du SLAM de 1951 à 1954
Dès sa naissance en 1901, sa vie fut marquée par le milieu de la librairie familiale. Rappelons qu’il était le fils d’Auguste Blaizot, l’un des fondateurs du SLAM. A l’âge de 27 ans, il collabore avec son père dans la librairie du faubourg Saint Honoré. Il lui succédera en 1941 et il fait très vite figure de quelqu’un dont l’existence entière sera tournée vers le Livre. D’abord comme érudit en publiant régulièrement des articles dans le Bulletin de la Librairie (Grandeur et misère de notre profession en 1961 ; Les richesses de la Librairie Française en 1964 etc… et surtout en établissant les catalogues des Reliures de Pierre Legrain et Paul Bonnet. Il a contribué ainsi à assurer leur notoriété. Puis comme libraire, il a dirigé la librairie familiale en publiant des catalogues qui sont restés célèbres et qui sont encore des instruments de travail auxquels on se réfère volontiers. Expert près la cour d’appel et du tribunal de commerce, conseil expert près l’administration des douanes, il s’est chargé de ventes publiques importantes entre 1935, date de la fameuse vente Barthou et 1973 date de la non moins fameuse vente Esmérian.
Passionné de livres illustrés modernes, il a édité lui même un certain nombre d’ouvrages dont l’Annonce faite à Marie, Les Moralités Légendaires, le Poète Rustique, Orénoque…
L’assemblée générale du 3 juillet 1951 l’élit président, ainsi que P. Chrétien (vice-président) ; M. Blancheteau (Secrétaire), H. Picard (trésorier) et MM. Cart, Loliée, Maupetit, Poncelet, Privat, Thiébaud (Commissaires).
La même année, au congrès de Bruxelles, la France a été chargée de former un comité d’honneur international pour la LILA et de mettre au point un code d’usages. De son côté M. Hertzberger publie un dictionnaire international de la librairie qui comprend en plusieurs langues la traduction et la définition des termes essentiels de la bibliophilie pour la compréhension des catalogues. MM. Scheler, Poursin et Blaizot la remanieront en 1953. Ce dictionnaire technique comprendra alors plus de deux cents mots.
Lors d’une réunion du bureau le 22 septembre 1951, on constate que la situation du Bouquiniste est désastreuse et qu’il devient urgent et vital d’élargir le cercle des abonnés et des annonceurs.
L’année suivante le bureau édicte la règle suivante qui est toujours appliquée : toute demande d’admission au SLAM devra être contresignée par les deux parrains du candidat ; ces deux parrains étant choisis parmi les membres du syndicat.
Dans un souci de propagande, le SLAM élabore, en janvier 1952, le projet d’une exposition de livres anciens à la Galerie Royale. Le titre choisi pour cette manifestation qui se tiendra finalement du 11 mars au 15 avril 1952 sera : ‘La Civilisation du Livre’. Dans l’esprit de Georges Blaizot ce titre renvoyait à la phrase de G. Duhamel : ‘On devrait appeler notre civilisation, la civilisation du Livre.’ Cette exposition, avec 18000 visiteurs, a connu un succès sans précédent et a permis d’établir de nouveaux contacts entre le public et les librairies d’ancien. Elle a surtout permis à chacun de comprendre la valeur culturelle de la Librairie Ancienne.
En février 1953, le bureau fait appel à la solidarité de tous en faveur de la Hollande qui vient d’être victime d’importantes inondations. Toujours dans le registre de la révision des tarifs douaniers, une conférence a lieu entre le président du SLAM et M. Arrighi de Casanova. Elle porte également sur les éventuelles facilités accordées au Salon annuel du Livre et à la vente Rauch qui va se tenir sous peu à Genève. Rappelons que Julien Cain, directeur général des Bibliothèques de France, venait de se prononcer à ce sujet : ‘Je suis toujours favorable à ce que le Livre bénéficie d’un système aussi libéral que possible tant sur le plan des importations que sur celui des exportations.’ Toujours à condition, bine sûr, de ne pas favoriser l’exportation de documents ‘unica’ considérés comme faisant partie du patrimoine français.
Une curiosité à évoquer maintenant, en juin 1953 le bureau élève une protestation contre M. Juhel-Douet, libraire à Blois qui a publié un catalogue de ventes sur offres. Cette pratique qui n’est pas conforme aux usages du Syndicat va entraîner une remise en cause des conditions de ventes avec une augmentation des frais d’emballage et l’établissement de prix de ventes étudiés, calculés donc stables.
Au congrès de Milan, les choses se terminant par des chansons, le président du SLAM a pris l’initiative de susciter la naissance d’une chanson. Son titre ? La Chanson des Libraires. Paroles de Michel Vaucaire, musique de G. Van Parys :
‘Nombreux sont les libraires
venus du monde entier
venus de tout’ la terr’
parler de leur métier
parler de leurs ennuis
De leur difficultés
Mais avec des amis
C’est à moitié gagné…’
Cette chanson comporte trois strophes et un refrain.
En avril 1954 (le bureau travaillait depuis six mois sur ce projet) a lieu à la maison des artistes, rue Berryer à Paris (Fondation Salomon de Rothschild) une importante exposition vente de livres anciens et modernes intitulée ‘Les Richesses de la Librairie Française des origines à nos jours’.
Participent à cette exposition environ 70 libraires membres du SLAM ainsi que quelques éditeurs d’art et les relieurs les plus célèbres de l’époque : Rose Adler, Paul Bonnet, G. Cretté, H. Creuzevault, P.L. Martin, etc.
Parmi les merveilles exposées :
- La Lettre de Christophe Colomb annonçant la découverte de l’Amérique imprimée à la suite de l’ouvrage de Verardus paru à Bâle en 1494 (Premier Americana illustré) (Chamonal).
- Le manuscrit autographe de l’Etranger de Camus relié par P. L. Martin (Viardot)
- Le manuscrit original de l’Homme Américain par A. d’Orbigny qui constitue le principal travail ethnologique qui ait été faite sur l’Amérique du Sud (De Nobele).
- L’édition originale d’Alcools de G. Apollinaire portant des corrections autographes de l’auteur, dédicacée à E. Bourges puis à Eluard par Picasso (Hugues).
- Le Manuel de St Augustin publié chez Simon Vostre vers 1500, seul exemplaire connu de la première traduction française (Leconte).
- La Grande et Vraie pronostication pour l’an 1544. Seul exemplaire connu de cet almanach publié par Rabelais sous l’anagramme Scraphino Calbarsy (Scheler)
- Le manuscrit de premier jet du Diable au Corps de Radiguet (Gallimard)
- La partition de Faust dans une reliure doublée et mosaïquée de Thouvenin (Blaizot)
- Les mémoires de Commines (1581), exemplaire ayant appartenu au fils de Philippe II d’Espagne dans une somptueuse reliure ‘à la Fanfare’ des Eve.
Un important catalogue illustré, préfacé par Julien Cain décrit les œuvres exposées et présente des notices historiques sur les libraires, éditeurs et relieurs exposants. Il offre à ses lecteurs un texte sur ‘les différentes techniques de la gravure originale et de nombreuses citations concernant le Livre et la Bibliophilie.
En conclusion, reconnaissons que pendant les trois années de son mandat, Georges Blaizot s’est efforcé de défendre les intérêts de la corporation avec fermeté et droiture. Il a participé en outre à la création de la Ligue Internationale de la Librairie Ancienne dont il exerça la fonction de président pendant plusieurs années (1952 à 1954). Enfin, son amour des livres et sa compétence l’ont poussé tout naturellement à diffuser un enseignement spécialisé dans le cadre du Cercle de la Librairie. Libraire, érudit, éditeur, président du SLAM et de la LILA, professeur, la vie de Georges Blaizot fut un sacerdoce pleinement consacré au Livre.
Pierre Chrétien, président du SLAM de 1954 à 1957
A l’assemblée Générale du 2 juillet 1954, nous nous trouvons en présence d’un président sortant aigri et désabusé. A la suite de l’exposition de la rue Berryer, la direction des relations culturelles a invité les libraires à participer à des expositions outre Atlantique. Georges Blaizot, quelque peu désenchanté avoue : ‘… Nous n’avons pas pensé que votre intérêt était suffisamment manifeste à l’égard de ces expositions et c’est pourquoi, nous ne nous sommes pas acharnés à vaincre ces difficultés qui auraient pu l’être si nous avions eu conscience que tel était votre désir… le prochain bureau suivra donc vos indications sur ce point ; il n’est pas besoin d’ajouter que s’il n’en reçoit point, il vous suivra, c’est à dire qu’il ne fera rien…’
De façon plus positive, il propose la création d’un secrétariat général pour alléger la tâche du président. (Ce sera la réalisation de Pierre Chrétien) ; la nomination de Léon Gautier comme délégué permanent entre les membres du SLAM et le bureau ; et, la prolongation du délai de retour dans les ventes publiques qui passerait de 24 heures à 8 jours (il s’agit de permettre aux libraires de collationner leurs livres). On propose ensuite le renouvellement du bureau ainsi constitué : Pierre Chrétien (président) ; A. Cart (vice-président) ; P. Picart (trésorier) ; M. Blancheteau (secrétaire) et MM. Chamonal, G. Colas, Fauron, Ad. Leconte, Jaladis et Maupetit (conseillers).
Après la présentation de Pierre Chrétien par G. Blaizot : ‘… pendant deux ans … votre activité au sein du bureau n’a pas été particulièrement fébrile, vous étiez distrait, un peu rêveur, l’esprit lointain et soudain, la grâce, je veux dire la foi syndicale est née en vous… quoiqu’il en soit votre activité lors de la dernière exposition a été si grande, si efficace, si énergique qu’elle a permis de résoudre beaucoup de difficultés…’ le bureau est élu à la quasi unanimité.
Pierre Chrétien avait repris la librairie familiale au décès de son père en 1939. Georges Chrétien, gendre de Gustave Lehec (Libraire 37 rue St André des Arts depuis 1878) fonda sa propre librairie Faubourg St Honoré en 1911. Il fut aux côtés d’Edouard Rahir l’un des fondateurs du SLAM et secrétaire général pendant plusieurs années.
Aussitôt élu, P. Chrétien essaie de ranimer l’esprit de ses troupes en notant le développement ‘un peu lent, encore, mais certain de l’esprit syndical dans une profession aussi individualiste que la nôtre.’ Il va malgré tout tenter de faire œuvre utile. Le bureau du 25 décembre 1955 émet le projet d’une émission radiophonique sur la bibliophilie. Grâce aux efforts de M. Beuazemont, le SLAM a obtenu une réponse favorable de M. Porché, directeur de la Radiodiffusion et Télévision françaises qui lui ont accordé une émission tous les quinze jours. Ce seront des causeries entre M. Barbier et un libraire, un écrivain, une vedette, etc… En février 1956, on note que M. Beauzemont s’occupe activement de la ‘Chronique de la Bibliophilie’ qui a effectivement lieu toutes les deux semaines, le mardi à 13h15.
Cette causerie prend place dans le cadre de l’émission ‘La vie des Lettres’ dirigée par M. P. Barbier. Des écrivains célèbres, tels A. Arnoux, M. Genevoix, A. Maurois y apportent leur concours. Cependant cette émission est jugée trop littéraire et, pour la rendre plus bibliophilique, le bureau demande à chacun de ses membres d’apporter des idées sur la façon dont il faut essayer d’agir auprès du grand public. Au début de l’année 1957 ces émissions seront abandonnées ne présentant pas suffisamment d’intérêt pratique pour notre profession. Elles reprendront au mois d’octobre suivant, M. Beauzémont ayant obtenu la possibilité d’une émission personnelle dans laquelle il pourra parler de la librairie d’une façon pertinente et plus utile.
Hormis ce souci de propagande radiophonique, le président P. Chrétien se sera rendu ‘utile’ en s’occupant personnellement d’un certain nombre de problèmes pratiques. La Caisse de Secours, à la suite d’un don important, pourra verser une mensualité à la veuve d’un ancien libraire et une aide substantielle à un collègue âgé se trouvant dans une situation difficile. Le SLAM a pu aussi intervenir efficacement pour obtenir le règlement de mauvais payeurs auprès des libraires étrangers.
Sur le plan international, deux congrès ont été organisés, l’un à New York du 9 au 14 octobre 1955 et l’autre à Londres du 9 au 13 septembre 1956. Pour le congrès américain 48 délégués européens étaient présents, le président G. Blaizot souffrant a été remplacé par M. Stanley Sawyer. Une exposition exceptionnelle d’autographes (Goethe, Dickens, Balzac, Poe, Wilde, etc.) s’est tenue au Grolier Club le 10 octobre. Le surlendemain, a eu lieu à New Haven, la visite de la célèbre bibliothèque de l’université de Yale. L’assemblée générale du 26 mars 1957 mettra fin aux fonctions de Pierre Chrétien. Toujours soucieux de se rendre utile, il rappellera le soin qu’il faut apporter à la rédaction des catalogues en respectant les règles d’usage pour les rendre plus clairs en chassant toute ambiguïté de description. Cette dernière préoccupation souligne, si besoin était, la recherche de précision, de rigueur et d’honnêteté qui a animé le président Pierre Chrétien pendant les trois années de son mandat.
M. Deruelle lui succédera à la présidence du Syndicat de la Librairie Ancienne et Moderne.
(à suivre ... )